DIAGNOSTIC SÉMANTIQUE ET PERFORMANCE DU DISCOURS ÉMOTIONNEL D’UNE MARQUE

Le diagnostic sémantique avec L'Hirondelle

L’HIRONDELLE interroge Jean Laloux, co-fondateur de Inférences, dont le savoir-faire est d’explorer l’intelligence des contenus des marques via des outils d’IA sémantique. Aujourd’hui, il explique comment son approche contribue, d’une part, à mieux positionner le discours émotionnel des marques du secteur de l’art de vivre, et d’autre part, à faire émerger leur singularité verbale aux fins d’optimiser l’impact de leurs prises de paroles.  

FAIRE ÉVOLUER LE DISCOURS D’UNE MARQUE

Comment « la cartographie des mots-concepts » peut-elle orienter le positionnement d’une marque de l’art de vivre ? En quoi votre approche est-elle novatrice ?

Les mots et concepts sont une fenêtre ouverte sur nos pensées, une modalité de traduction du monde sensible, bref, ils sont les signifiants de signifiés ! Ce truisme, pour rappeler que le positionnement d’une marque dont la vocation est d’exprimer des sensations, émotions, ressentis est bel et bien constitué de signifiants et notamment de mots.

Ainsi, rendre compte d’un corpus (ensemble de contenus cohérents entre eux) sous la forme d’une cartographie sémantique permet de visualiser les clusters de sens constitués par des mots et des concepts plus fréquemment associés ensemble qu’avec d’autres. Ces clusters signalent les lignes de force du discours d’une marque et révèlent en quelque sorte l’ADN de son discours. Ce « révélateur », au sens photographique, fournit un diagnostic à partir duquel une marque peut non seulement intervenir sur sa narration mais aussi se comparer à ses concurrentes.Travailler les mots de la marque, c’est ainsi façonner son esprit. L’art de parler (ou d’écrire) fait partie de l’art de vivre !

Comment procédez-vous pour analyser les thématiques/ registres sémantiques d’une marque ?

Les progrès de l’IA sémantique depuis 2015 permettent aujourd’hui de mobiliser des technologies qui analysent des corpus massifs et d’en extraire de l’intelligence, c’est-à-dire des insights actionnables pour la marque. Exemples : quelles sont les valeurs le plus souvent relayées par la marque ? Comment son vocabulaire émotionnel est-il catégorisé ? Quelles connotations structurent le langage de la marque – la douceur, le confort, le bien-être, la beauté, l’élégance, la fiabilité, la durabilité, etc. ?

Des corpus homogènes regroupant les contenus émis par la marque vers ses différents publics sont ainsi passés au crible de notre outil propriétaire et aussi de quelques autres outils statistiques pour décrypter les mécanismes de sens. Ces corpus peuvent aussi être avantageusement comparés avec ce qui est dit sur la marque en explorant médias et réseaux sociaux, ou retombées presse. Ce travail de comparaison livre généralement des indications précieuses à partir de la mesure du niveau de cohérence entre le discours émis et le discours reçu. L’innovation n’est pas ici dans la méthode, somme toute classique et de bon sens, mais dans notre capacité à traiter rapidement et finement des millions de mots !

En quoi vos outils permettent-ils d’affiner, compléter l’approche SEO  ?

Nos outils s’intéressent aux discours produits par les marques et par ceux qui les commentent. Les experts SEO scrutent les requêtes des internautes. L’intérêt de nos audits, d’un point de vue SEO, est de croiser ces deux logiques. La logique SEO, ou « quels mots, ou formulations, utilisent les internautes pour accéder à un contenu que la marque serait susceptible de lui apporter » et la logique sémantique, ou « quels sont les mots et les éléments de narration de la marque qu’elle pourrait faire évoluer pour rencontrer davantage encore ses publics ».

Si vous taper « déco maison » sur le principal moteur de recherche, vous obtenez près de 12 millions de réponses. Comment émerger dans cet océan de résultats pour une marque « art de vivre » ? Les experts SEO apporte une réponse stratégique et technique. Nous, nous apportons une réponse stratégique et sémantique en élargissant les angles de traitement des contenus de cette marque pour mieux connoter « déco maison campagne chic », ou « de charme », ou « ancienne », etc.

Avez-vous constaté une évolution sur le discours émotionnel des marques de l’art de vivre, à l’heure de la transparence, du sens et de l’authenticité ?

Notre société est bousculée depuis un certain temps : urgence climatique, menace terroriste, #meetoo, risque sanitaire… En réaction, on a vu croître une attente de bienveillance, d’harmonie, de préservation de son environnement personnel, de modes de vie plus respectueux de l’individu, du sens dans le travail, du cadre de vie et de la planète, etc. En captant les tendances de la société, il est bien sûr indispensable que les marques fassent évoluer leur priorité lexicale et sémantique, leurs dispositifs de narration (format, contenu, canaux, rythme…). Mais je ne saurais dire si cette évolution du discours émotionnel se retrouve de manière évidente dans le discours des marques. Il faudrait… faire une étude ! [rires]

IDENTIFIER & RENFORCER LES MARQUEURS D’ÉMOTIONS

Le diagnostic sémantique peut-il paradoxalement faire émerger la présence/l’absence de discours émotionnel chez une marque du secteur de l’art de vivre ?

Oui, absolument. Pour cela, il convient avant tout de construire un étalon du discours émotionnel. Dresser une catégorisation des marqueurs connotant ce discours, en général et non pour une marque en particulier. Cela se fait à partir d’un volume substantiel de données textuelles collectées auprès de sites web, des médias et réseaux sociaux, de blogs, etc. Ce corpus constitué, le travail de catégorisation est réalisé via des techniques de machine learning, dites par apprentissage supervisé ou semi-supervisé. Cette opération aboutit à la création d’un modèle sémantique. La deuxième étape consiste à utiliser ce modèle (le discours émotionnel en l’occurrence) et de l’appliquer au corpus d’une marque. Il est alors possible d’établir une comparaison mesurée entre le discours émotionnel de cette marque et le modèle sémantique.

Comment pouvez-vous justifier qu’une marque raconte ou ne raconte pas d’histoire ?

Un audit sémantique n’est pas un détecteur de mensonges… mais on peut quand même repérer des marqueurs de langue de bois ! Les techniques d’analyse de discours permettent d’identifier ces marqueurs : tournures impersonnelles (pas de locuteur individuel ou collectif véritablement impliqué), abondance d’expressions figées (catéchisme de marque), usage excessif de verbes dits « modalisateurs » (permettre, devoir, souhaiter… généralement traducteur d’un déficit d’assertivité), etc. Ainsi, si vous lisez : « La force de <nom de la marque> est de créer une relation émotionnelle authentique avec ses clients. Elle y parvient grâce aux respects de ses engagements en faveur de la planète et pour la préservation de la biodiversité. Cette force trouve sa source dans la recherche permanente d’un bien-être inspirant au service de ses clients et dans sa volonté d’innover sans cesse pour plus de confort et de sérénité. Permettre à chacun et à chacune de cultiver son capital douceur : telle est depuis toujours la vocation de <nom de la marque>. » Ce contenu vous semble traduire une réalité incarnée ou plutôt des fariboles…?

Quels sont les outils à actionner pour permettre à la marque de renforcer son storytelling incarné ?

Je dirai le « profilage sémantique ». C’est un outil que nous avons développé il y a plusieurs années pour le compte de grandes entreprises qui ont besoin de mieux comprendre certaines cibles « sensibles » pour mieux s’y adapter (influenceurs, élus, décideurs…). Cet outil s’applique aux besoins des marques de faire évoluer leurs schémas argumentatifs (registre de la preuve – le logos), la scénarisation de leur valeurs ( registre de de l’identité – l’ethos) ou encore leur choix de mots et de concepts (registre émotionnel et de connivence – le pathos).

Les 3 leviers d’un profilage sémantique : concepts, arguments, valeurs.

 

Le diagnostic sémantique

Le profil discursif d’une marque se lit à travers une grille sémantique constituée du choix de ses concepts-clés, de l’expression explicite et implicite de ses valeurs et enfin de ses schémas argumentatifs.

 

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