Vague
Hirondelle

UNE COIFFURE POUR CHAQUE TÊTE

« Enfin dès six heures du matin tout est en l’air, coiffure hurlupée, poudrée, frisée… » Madame de Sévigné, lettre du 20 mai 1762

Certaines expositions surprennent plus que d’autres quand elles ouvrent des horizons insoupçonnés. Ce fut le cas de  « Des cheveux et des poils » organisé par le Musée des Arts Décoratifs  ! Une thématique étonnante qui couvre en réalité un vaste champ où se rencontrent esthétique, mode, société, sciences, progrès, savoir-faire…

Des cheveux « à la girafe » « à la Titus », jusqu’à la coupe garçonne en passant par les mèches en tire-bouchons, le pouf de Marie-Antoinette ou le coiffé-décoiffé de Brigitte Bardot, cette pléiade de coiffures racontent à elles seules une époque, un mode de vie.

Saviez-vous que Louis XIV était chauve, y a remédié avec la conception d’une perruque qui lança instantanément la mode des perruques pour hommes ?

Saviez-vous que les femmes du Moyen-Âge jusqu’au XVIè siècle portaient sur les cheveux une coiffe, un voile pour cacher leur cheveux, symbole érotique associé à la pècheresse Marie-Madeleine et rejeté par les écritures bibliques et le clergé ?  Avec une ambivalence : affirmer également leur autorité face aux hommes.

Saviez-vous que Saint-Louis avait promulgué un édit pour imposer aux prostitués de teindre leurs cheveux en roux ? Car oui la couleur des cheveux a renvoyé pendant longtemps l’image de la qualité de l’âme : rousseur et luxure, noirceur et haine, blondeur et innocence.

« Longs, courts, tressés, coiffés, teintés, visibles mais aussi cachés, les cheveux nous identifient » écrit Anne Dressen, commissaire d’exposition. Le cheveu est depuis toujours un marqueur identitaire et social très fort.

La manière d’arranger les cheveux témoigne d’une culture, mais aussi d’un statut social. Plus la coiffure est sophistiquée, plus elle signe avec ostentation l’oisiveté et la richesse. Et l’ajout de postiches et l’ornementation de la coiffure y contribuent. Bijoux, peignes, épingles à cheveux, guirlandes de fleurs, aigrette épousent le cheveu pour le tendre, le tirer, le maintenir, l’éloigner de l’inconvenance mais aussi pour transmettre un message d’appartenance à un corps social, glisser un billet doux et intime ou afficher une ambition politique.

Il serait dommage de ne pas mentionner les artistes qui ont architecturé l’histoire de la coiffure et de la Haute coiffure en imaginant des sculptures extravagantes mais aussi des postiches très élaborées. Le célèbre Léonard est le créateur du  « pouf au sentiment » de Marie-Antoinette. Monsieur Antoine révolutionne la mode avec la coupe courte, avec notamment la perruque laquée de Joséphine Baker. Alexandre est le coiffeur attitré des têtes couronnées tandis que les sœurs Carita attirent de nombreuses stars du cinéma. Et enfin, impossible de ne pas citer la magicienne du tressage Marisol Suarez aujourd’hui !

À travers tous ces savoir-faire et ce foisonnement expressif de la coiffure à travers les époques, l’être humain ne cherche t-il pas finalement à dompter son animalité par le cheveu ?

Article rédigé par Anne-Sophie Tournier, fondatrice de l’agence L’Hirondelle
Visuel : Marisol Suarez, Origine, 2010, Photographie Katrin Backes
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